Zoom sur La Petite Bonne de Bérénice Pichat
Bérénice Pichat partage son temps entre enseignement et écriture. Elle aime l’Histoire et sans doute plus particulièrement la Première Guerre mondiale et ses conséquences. Avec La Petite Bonne, elle a offert aux lecteurs une vraie pépite littéraire qui aurait bien mérité l’un des grands Prix de la rentrée littéraire 2024 pour certains desquels elle fut d’ailleurs nominée.
L’action se passe 20 ans après la Bataille de la Somme. Blaise Daniel est revenu chez lui, très mutilé. Il n’a plus que des moignons de bras, les jambes sont amputées jusqu’aux genoux et c’est une « gueule cassée ». Il était pianiste et sa vie s’est arrêtée. Sa femme, Alexandrine, est amputée socialement puisque depuis tout ce temps elle ne s’occupe que de son mari. Et puis il y a la Petite Bonne qui n’a pas de nom, si ce n’est deux majuscules à Petite et Bonne. Elle est là, travailleuse, discrète, au service de ses maîtres bourgeois, Monsieur et Madame.
Monsieur justement ne supporte plus cette vie et il va pousser Alexandrine à accepter une invitation à la campagne. Il sera seul avec la Petite Bonne et il a un plan : elle devra l’aider à mourir. Mais elle ne veut pas et va devenir son aide-soignante pendant ces quelques jours. Elle le nourrit, elle le lave, elle lui parle et tente de lui redonner le goût de vivre en l’obligeant à répondre à ses questions ce qui crée un rapprochement. Vous n’en saurez pas plus, mais il faut cependant parler de la structure étonnante de ce livre. Trois écritures différentes. D’abord des vers libres, courts et sans ponctuation. Bérénice Pichat parle de ce que fait et pense la Petite Bonne. C’est ELLE. Nous lisons aussi de la prose. Les phrases sont plus longues, les mots plus choisis, nous sommes chez les bourgeois, Monsieur et Madame Daniel. Et puis, plus rarement (mais comme c’est important !), d’autres vers libres interviennent, et là c’est JE. Des indices nous sont donc donnés dès le début pour nous montrer que les choses sont terminées. Comment ? Pourquoi ? Une fin imprévisible vous le dira.
Tout fait écho à aujourd’hui. Le droit à mourir, le rôle des aidants, amputés de leur vie, le rapport avec la maladie ou le handicap, et le rôle des corps aussi. Ben sûr n’oublions pas la différence entre les classes sociales, encore plus forte dans ces années-là. Nous avons parlé de rapprochement : rien de sexuel ici, du sensuel ou plutôt de la sensibilité. C’est très beau, très émouvant, poétique, douloureux avec des secrets évoqués, musical avec le vieux gramophone de Monsieur. Il ne faut pas manquer ce magnifique texte !