Aller au contenu

Zoom sur "Deux innocents" d'Alice Ferney

L’innocence coupable

Alice Ferney est une enseignante et une grande romancière française. Dans ses romans, elle s’appuie sur deux registres plus particulièrement. Le premier concerne la différence entre les sexes, la maternité, le sentiment amoureux et donc les femmes. Pour le deuxième, l’auteure s’intéresse à l’Histoire, la guerre, l’engagement. Deux innocents est son 13e roman et nous pouvons dire qu’il fait partie du premier thème.

Ce roman est inspiré d’une histoire vraie. Alice Ferney n’a rien inventé et c’est entre autres pour cette raison qu’il est si bouleversant. Il pose la question de savoir comment l’on peut prouver son innocence quand on est convaincu de n’avoir commis aucune faute, mais que les autres nous ont condamné d’avance. « D’abord le verdict, ensuite le procès », extrait de Disgrâce de J. M. Coetzee, cité par Alice Ferney en exergue.

Claire Bodin enseigne à l’Embellie, un établissement qui accueille des jeunes handicapés intellectuels. Elle n’a pas une grande formation, mais elle fonctionne avec sa bienveillance, sa foi, son cœur et donc son amour pour ses élèves. Elle est appréciée des adolescents dont elle s’occupe, de leurs parents, mais pas de Madame Joyeux, la directrice qui ne s’écarte jamais de la ligne officielle et pour qui l’affection est loin d’être une priorité. Gabriel Noblet arrive en septembre à l’Embellie. Il est mutique, solitaire, mais très vite Claire va l’aider à s’ouvrir, à s’épanouir. Ces enfants ont besoin de tendresse et Gabriel vient naturellement dans les bras de Claire qui ne refuse pas ces sortes de câlins. C’est une bonne mère, une bonne épouse, elle est plutôt traditionaliste, mais elle fait preuve d’un peu de naïveté. Elle ne voit pas le mal où il n’y en a pas. Madame Noblet, la mère de Gabriel, elle, le voit et vient se plaindre à Madame Joyeux. Tout est lancé et Claire va être accusée de « gestes inappropriés » et de « tripotages ». Cela va aller beaucoup plus loin et conduire au procès. Un véritable drame humain pour « deux innocents », Gabriel, innocemment amoureux de Claire, et Claire elle-même qui ne pensait pas devoir refuser sa tendresse. Elle aimait tout simplement ses élèves. Évidemment cela se passe en 2018, alors que beaucoup d’histoires émergent partout. Dans ce cas-ci, tout est question d’interprétation pour trois femmes que tout oppose.

Comment différencier l’innocent du coupable ? Alice Ferney a expliqué : « Je n’écris jamais pour juger ou critiquer, ou pour mettre en pièces ; j’écris toujours pour comprendre comment les choses se sont passées. » Ce qu’elle souhaite c’est que le lecteur se pose aussi des questions et à lui de donner sa réponse ou sa vérité. Il s’agit ici d’un très beau roman que l’on ne peut pas oublier.